AFFM Paris : Ethique et Médecine, réflexion sur la fin de vie. Jeudi 17 Octobre 2013

Imprimer
L’AFFM a organisé une réunion sur le thème : ETHIQUE ET MEDECINE, REFLEXION SUR LA FIN DE VIE , le jeudi 17 Octobre à la Maison des Associations du 15ème Arrondissement 22, rue Saïda, 75015 Paris.

Le Professeur Christian HERVE, Directeur du Laboratoire d’Ethique Médicale et de Médecine Légale (EA 4569), Président de la Société Française et Francophone d’Ethique Médicale (Sffem) a animé cette réunion de manière passionnante et l’AFFM le remercie chaleureusement pour sa prestation de qualité.En voici le compte-rendu. Ce dernier paraîtra également dans le Hygie n°60.

 

 

Le Professeur Christian Hervé a tout d’abord défini l’éthique médicale, puis s’est exprimer sur les soins palliatifs.

Le médecin exerce une profession bien particulière car l’entretien avec le patient qui se pratique lors de la consultation revêt un moment difficile. Il doit se montrer psychologue, bon manager, économiste, devant un malade bien différent des autres, avec lequel il faut trouver « le juste milieu », la meilleure distance, et lui manifester la juste dose d’empathie.

Le Professeur Hervé rappelle ses souvenirs de jeune anesthésiste et ses états d’âme lorsqu’il s’agissait pour lui d’arrêter l’assistance respiratoire d’un malade comateux depuis plusieurs semaines, décision qu’il lui fallait prendre seul.

Puis l’évolution de la société, la féminisation de celle-ci, les réflexions médicales conduisent à la nécessité de définir des statuts de la personne humaine. C’est ainsi que le Président Mitterrand, qui voyait d’un œil favorable la disparition du Conseil de l’Ordre des Médecins, crée, par décret en 1983, le Comité Consultatif National d’Ethique pour les sciences de la vie et de la santé.

Mais, depuis Hippocrate, les médecins réfléchissent sur leur mission. Ils suivent leur « pensée médicale » selon le mot du professeur Maurice Tubiana qui préférait cette expression au mot d’éthique.

C’est ainsi que le Professeur Jean Bernard, alors président du CCNE, crée le laboratoire d’éthique médicale en 1992 à la faculté de Necker-Enfants Malades dont le directeur est Christian Hervé. Il s’inscrit dans une réflexion éthique sur les pratiques de médecine et de biologie et amènent à s’interroger sur les évolutions de la médecine, des pratiques de soin mais aussi sur les responsabilités que ces évolutions induisent aux niveaux individuel et collectif.

Pour Christian Hervé, l’éthique médicale se différencie de la déontologie.

L’éthique est œuvre de destruction et de refondation des bases de prescription et de jugements moraux. La déontologie représente l’ensemble des règles de bonne conduite de la profession au regard de sa mission.

L’éthique revêt une obligation morale. Elle commande d’agir sinon au mieux pour la personne, du mois pour le moins mal. Ainsi la loi Leonetti concernant la fin de vie.

Il convient donc :

– De réfléchir aux limites de l’acte. Cet acte est-il légitime ? Quelles sont les raisons qui me font agir ainsi ?

– D’anticiper les conséquences. Suis-je capable de les maîtriser ?

Il s’agit de ma responsabilité, et comme le dit Lévinas : « je suis responsable de la responsabilité de l’autre. » Être soi, c’est toujours avoir une responsabilité de plus que tous les autres« .

Il faut penser aux générations futures, ce qui nous fait entrer dans l’éternité. C’est ainsi que pour Christian Hervé, tout acte médical doit être légitimé.

Toutes ces réflexions ont conduit à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité des soins. Il y sera question de démocratie sanitaire et des droits de la personne : protection de la santé, respect de la dignité, respect de la vie privée et du secret des informations, soins les plus appropriés, soins visant à lutter contre la douleur.

Cette loi dite Kouchner consacre le consentement libre et éclairé du patient aux actes et traitement proposés, ainsi que le droit d’être informé sur son état de santé. L’information par le médecin devient une obligation. Tout patient a le droit de refuser un soin, mais le médecin se doit de l’écouter, de l’avertir et de chercher à le convaincre.

Cette loi est, en outre, destinée aux usagers avec une meilleure représentation de ceux-ci dans les institutions de la Santé et des Hôpitaux, et instaure l’indemnisation de l’aléa thérapeutique, c’est-à-dire l’indemnisation de la victime lors d’accident médical en l’absence de faute du professionnel.

Que dit la loi Leonetti ? (loi du 22 avril 2005) :

– l’euthanasie est condamnée.

– L’acharnement thérapeutique (obstination thérapeutique pour Pierre Huguenard) est proscrit.

– Le malade peut décider de l’arrêt de son traitement jugé trop lourd. S’il n’est plus conscient, la personne de confiance qu’il aura désignée doit être interrogée, ou bien on recherchera dans son dossier médical les directives anticipées qu’il aurait pu rédiger.

La loi du 25 avril 2013 réaffirme ces principes, et souligne la nécessité de respecter la dignité du patient et l’obligation de soulager ses souffrances, fût-ce par des drogues qui peuvent en abréger la vie. Toutefois, la loi rappelle l’interdiction de provoquer la mort des patients.

En fait, les soins palliatifs ont disparu au profit de la médecine palliative. Le problème n’est plus d’intervenir dans les huit derniers jours de la vie, mais beaucoup plus en amont, avec une meilleure prise en compte des patients et de leurs souhaits dans leurs décisions qui concernent d’une part la sédation, d’autre part les directives anticipées.

Et même si, comme le dit Vladimir Jankélévitch « la mort est un destin inéluctable que nulle médecine ne vaincra », la médecine palliative privilégie « la place du soigné dans le processus de décision et renforce l’obligation de bienfaisance qui reste au fondement de l’éthique médicale ».