ASSISTANCE MÉDICALE À LA PROCRÉATION (AMP) : ASPECTS MÉDICAUX ET ETHIQUES

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Assistance Médicale à la Procréation (AMP) : Aspects Médicaux et Ethiques – dossier n°3 / janvier 2014.

Auteur : Docteurs Marie-Laure Camp (biologiste), Anastasie Lymperopoulou (gynécologue- obstétricienne ), et Marie-Dominique Ghnassia.

Extrait :

L’Assistance Médicale à la Procréation (AMP) : Aspects Médicaux et Ethiques.

Définition :

L’AMP désigne un ensemble de pratiques techniques pour une approche palliative de l’infécondité en éliminant non sa cause mais le symptôme qui est l’absence de grossesse menée à terme.

Le médecin se trouve dans une démarche « reproductive » qui a pour objet la conception d’un être humain.

 

Assistance Médicale à la Procréation (AMP) :

Aspects Médicaux et Ethiques.

Docteurs Marie-Laure Camp (biologiste), Anastasie Lymperopoulou (gynécologue- obstétricienne ), et

Marie-Dominique Ghnassia.

Définition :

L’AMP désigne un ensemble de pratiques techniques pour une approche palliative de l’infécondité en éliminant non sa cause mais le symptôme qui est l’absence de grossesse menée à terme. Le médecin se trouve dans une démarche « reproductive » qui a pour objet la conception d’un être humain.

Modalités techniques :

Il existe deux grandes catégories de techniques d’AMP avec des variantes et des évolutions qui les ont améliorées. Chacune a des indications particulières.

L’insémination Artificielle : solution déjà ancienne. Le sperme est déposé à l’orifice du col de l’utérus (insémination intra cervicale) ou dans l’utérus (Insémination intra utérine), la fécondation se produit dans le corps de la femme qui apporte les ovocytes.

Le sperme du conjoint peut être utilisé si le spermogramme est normal : l’insémination intra-utérine (IIU) étant réalisée chez une femme fertile dont les trompes sont perméables mais qui présente un problème de glaire cervicale. Cette technique peut être aussi utilisée si le couple présente un cas d’infertilité inexpliquée.

L’insémination artificielle peut faire appel au sperme d’un donneur  en cas d’infertilité masculine (on parle alors d’IAD) : dans ce cas on utilise deux paillettes de sperme qui vont être décongelées avec sélection des spermatozoïdes par centrifugation. Il y a toujours stimulation de l’ovulation avant insémination.

A noter que des banques de sperme étrangères proposent sur internet l’achat de sperme congelé avec description descaractéristiques des donneurs et photos  de ceux ci: certaines femmes vont les utiliser pour une injection intra vaginale artisanale avec tous les risques que cela peut comporter (absence possible de tout contrôle sanitaire concernant le donneur).

La fécondation in Vitro (FIV) :

La femme subit une stimulation hormonale qui permet l’extraction de plusieurs ovocytes par ponction transvaginale echoguidée sous anesthésie parfois générale le plus souvent locale.

La fécondation extracorporelle s’opère ensuite en laboratoire et le ou les embryons qui en résultent sont implantés dans l’utérus.

Cette technique est proposée en cas d’obstruction tubaire, d’endométriose, de dysovulation ou d’échecs d’insémination intra utérine.

Le sperme utilisé peut être celui du conjoint ou celui d’un donneur.

Une variante technique de la FIV consiste à féconder l’ovocyte par microinjection d’un spermatozoïde : c’est l’Intra Cytoplasmic Sperm Injection (ICSI) qui est utilisée en cas d’altérations des paramètres spermatiques du conjoint. Le succès de l’ICSI est indépendant de la qualité du spermogramme mais dépend étroitement du nombre et de la qualité des ovocytes ou du défaut d’implantation dans l’utérus. Cette technique prise en charge à 100% par la Sécurité sociale Française, comme tout traitement de l’infertilité, coûte environ 100 fois plus que l’IAD aux USA (10000 dollars contre 100)

Dans certains cas il est nécessaire de recourir aux dons d’ovocytes : cette possibilité existe depuis plus de 25 ans en France, elle concerne les femmes qui présentent une agénésie gonadique, une insuffisance ovarienne définitive liée à une ménopause précoce, une castration chirurgicale, une chimiothérapie pour un cancer dont elles ont guéri.

La donneuse appariée à la receveuse doit recevoir un traitement stimulant l’ovulation tandis que la receveuse reçoit un traitement hormonal substitutif pour maturation de l’endomètre permettant à la réimplantation de se faire dans de bonnes conditions.

Les ovocytes prélevés chez la donneuse seront fécondés par le sperme du conjoint de la receveuse donnant lieu à des embryons qui seront transférés après contrôles biologiques dans l’utérus de la receveuse soit à l’état « frais » soit après congélation.

La receveuse suivra le traitement substitutif hormonal jusqu’à la constatation d’une sécrétion placentaire satisfaisante (contrôlée par des dosages plasmatiques) ce qui permet la réduction progressive du traitement au deuxième mois de grossesse.

Qui peut bénéficier de l’AMP en France ?

L’AMP est réservée aux couples hétérosexuels, en âge de procréer : la sécurité sociale a fixé à 43 ans pour les femmes l’âge maximum du remboursement, l’âge des hommes est de 65ans. Ces couples doivent faire la preuve d’une vie commune sans durée minimum depuis la nouvelle loi de Bioéthique de 2011.

Le recours à l’AMP est indiqué :

– en cas d’infertilité du couple : absence de grossesse spontanée après deux ans de rapports non protégés,

– pour ne pas transmettre une maladie génétique grave à l’enfant (maladie dominante présente chez l’un des conjoints ou maladie récessive chez les deux … sont concernées en particulier la Mucoviscidose, la myopathie de Duchenne, les maladies de l’hémoglobine.)

– pour ne pas transmettre une maladie sexuellement transmissible à son conjoint : VIH, Hépatite B, Hépatite C.

Les risques liés à l’AMP concernent essentiellement les femmes :

A court terme :

Risques liés au traitement de stimulation hormonal avec un risque d’hyperstimulation en réponse à ce traitement : création d’un troisième secteur, et risque de thromboses nécessitant l’interruption de la stimulation et la mise sous traitement anticoagulant adapté. Apparition de kystes fonctionnels. Risques de torsion d’annexes.

– Risques de grossesse extra utérine

– Risque chirurgical lié à la ponction ovocytaire echoguidée : formation de brides péritonéales, lésions viscérales, très rares cas d’infections

– Risque lié au mode d’anesthésie (10% seulement d’AG)

– Risque de grossesses multiples, mais actuellement en France 1,7 embryons sont implantés en moyenne ce qui aboutit à environ 12% de grossesses gémellaires.

– Certaines dysgénésies gonadiques présentent un risque obstétrical majeur menaçant le pronostic vital en raison de malformations cardiovasculaires méconnues ou sous estimées : il est donc nécessaire de peser le risque obstétrical au moment de l’indication d’une AMP avec don d’ovocytes.

A moyen terme :

Les prises de poids et troubles du cycle observés après les tentatives de FIV rentrent dans l’ordre en 3 à 4 mois.

A long terme :

Cancer du sein : les femmes infertiles ont un risque plus élevé que la population générale mais il n’y aurait pas de majoration par les traitements de l’infertilité.

Cancer de l’ovaire : augmentation du risque en cas d’infertilité prolongée (5 ans) et d’endométriose (ovarienne et plus de 10 ans) mais pas d’augmentation de ce risque avec les traitements de l’infertilité.

Cependant le citrate de clomifène inducteur de l’ovulation a pu être mis en cause dans certaines études.

Pour les Enfants :

– Risques de prématurité, de petit poids de naissance, de mortalité périnatale augmentée, risques liés à la gémellarité.

– On a également observé un taux plus important de malformations majeures : cardiopathies, malformations urogénitales chez les garçons, excès de syndromes génétiques comme le rétinoblastome.

Ceci est vérifié quelle que soit la technique utilisée : IIU, FIV classique, ICSI, transfert d’embryon après décongélation.

Les manipulations in vitro ne seraient donc pas en cause dans le sur risque malformatif, mais les stimulations ovariennes ou encore l’infertilité elle-même pourraient être responsables.

Quelques chiffres :

En 2010 il y a eu 139344 tentatives d’AMP et 22401 enfants nés de ces tentatives soit 2,7% des enfants nés en France durant cette année (832 799). 95% des tentatives se font en intra conjugal avec gamètes de l’homme et de la femme du couple concerné, dans 5% des cas il y a recours à un donneur ou donneuse.

Nouvelle Possibilité :

Depuis 2011 il est possible de congeler rapidement des ovocytes : c’est la Vitrification ovocytaire : elle peut être proposée aux patientes en âge de procréer et devant recevoir un traitement potentiellement stérilisant. Elle est également proposée aux donneuses d’ovocytes qui parallèlement à leur don peuvent conserver un certain nombre d’ovocytes vitrifiés pour leur usage personnel de façon à préserver leur procréation future. Elle ne présente pas de complications pour les grossesses à venir.

ETHIQUE  et Réglementation en France : de nombreuses questions ont été soulevées en février 2011 lors de la révision des lois de bioéthique qui se font tous les 5ans. De nouvelles questions sont apparues avec le « Mariage pour tous ».

Les techniques d’AMP sont réalisées dans des centres spécialisés agréés, certifiés et régulièrement contrôlés.

Le don de gamètes reste anonyme et gratuit. Il est réalisé après entretiens médicaux et psychologiques, en particulier pour les donneuses d’ovocytes (de façon à déceler des pressions éventuelles de leur entourage) qui vont également recevoir des informations détaillées sur la procédure les concernant et ses risques ; le consentement est recueilli par écrit et révocable à tout moment jusqu’à utilisation des gamètes. La sélection des donneurs et donneuse est très stricte après bilans clinique et biologique. Il n’est plus exigé que les donneurs ou donneuses aient procréé avant de faire un don.

Les donneuses d’ovocytes sont intégralement remboursées de leurs frais sur présentation de justificatifs.

Il est nécessaire de consentir devant un juge ou un notaire à l’AMP avant de recourir à un donneur.

Le nombre d’enfants issus du don d’un même donneur est limité à 10. A noter que 2 enfants au maximum sont issus du don d’une même donneuse. Un dispositif de suivi de la santé des donneuses a été mis en place.

Le double don de gamètes est interdit. L’AMP post mortem reste interdite (utilisation de paillettes de sperme congelé ou transfert d’embryons surnuméraires après décès du conjoint).

Il n’y a pas de limitation du nombre d’embryons à créer : il reste de nombreux embryons surnuméraires dans les cuves d’azote des centres d’AMP : en 2009 l’Agence de Biomédecine a reporté 165591 embryons congelés (avec une augmentation prévue de 20000 par an) dont 16% sans projet de grossesse soit 26000 embryons que les « parents »peuvent demander de détruire mais qu’ils peuvent aussi donner à d’autres couples (ceci se réalise surtout lorsque l’embryon est issu d’un don d’ovocytes) ou donner pour la recherche.

Le Diagnostic Pré Implantatoire (DPI) pour détection de maladies héréditaires graves et des anomalies chromosomiques est possible avec des techniques de plus en plus performantes mais strictement interdit sans indication médicale et en particulier pour la détermination du sexe.

Par ailleurs la circulaire récente adressée aux gynécologues les menaçant de 5 ans de prison et de 75000 euros d’amende si ils indiquent à leurs patientes une adresse de centre d’AMP à l’étranger a de quoi surprendre quand on sait que la Sécurité Sociale prend en charge à hauteur de 1600 euros le don d’ovocytes effectué en Europe.

La Gestation pour autrui (GPA) est interdite :

Elle existait avant 1991 avec des associations qui servaient d’intermédiaires : la filiation donnait lieu à une manipulation du système légal : enfant abandonné par la mère porteuse à la naissance, reconnaissance anténatale par le père qui emmenait l’enfant vivre à son domicile dès la naissance puis adoption plénière par son épouse.

La cour de cassation a interdit cette pratique après le procès de l’Association Alma Mater. Les raisons invoquées : détournement d’adoption, incitation à l’abandon d’enfant, entrave aux principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.

En effet, la GPA consiste en un transfert d’embryon dans l’utérus d’une femme volontaire pour assumer grossesse et accouchement. Elle permet de pallier les infertilités d’origine utérines : utérus absent ou non fonctionnel.

La GPA est interdite également en Italie, Espagne, Suisse, Allemagne. Elle est légalisée dans plus de la moitié des Etats-Unis (Californie..), au Canada, en Grèce, Argentine, Israël, Ukraine, Inde, Royaume Uni. Elle est pratiquée, sans législation, en Belgique, Pays Bas, Finlande, Danemark…

Il est à noter que la GPA autorisée sans encadrement strict de la loi, peut donner lieu à des dérives telles que refus de remettre l’enfant au couple d’intention, mise aux enchères du bébé, gestantes rejetées par leur entourage, indemnités dérisoires pour les gestantes, intermédiaires florissants…

La gestante doit être consciente des risques qu’elle encourt comme dans toute grossesse. Par ailleurs se pose la question de son investissement affectif : soit elle se désinvestit de sa maternité et le fœtus sera privé des liens qui se tissent habituellement in utero, soit elle vit sa grossesse de manière altruiste et s’attache au fœtus ce qui peut être source de risques psychiques pour elle-même.

Comment oublier le rôle des facteurs extérieurs qui peuvent influer sur la formation de l’enfant par la transmission placentaire ? L’épigénèse ne peut être gommée  (Jean Didier Vincent)

Comment gérer la possibilité d’une malformation fœtale entrainant une interruption médicale de grossesse et la souffrance en résultant ? Que dire d’une non-conformité aux normes des parents d’intention ?

On comprend qu’il est particulièrement difficile de banaliser ce geste qui n’est pas équivalent aux autres techniques d’AMP.

Avènement de l’AMP pour des raisons autres que médicales  avec utilisation de ces techniques pour « infertilité sociale » : jusqu’où peut on aller ?

Le Pr François Olivennes, spécialiste de l’AMP, indique que l’on s’est affranchi du rôle de censeur que jouait la nature d’où l’incroyable désir d’enfant qui s’exprime.

Le médecin peut apporter son aide à la procréation, mais il doit en faire bon usage et examiner chaque cas en sachant dire « non » (enfants de vieillards, enfants presque orphelins avant leur naissance, couples sans relations sexuelles où la prescription ne peut être que « faire l’amour le plus souvent possible »)

Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) présidé par le Professeur Jean Claude Ameisen doit donner son avis, à la demande du Président de la République, sur l’accès aux techniques d’AMP pour ce qui n’est plus une indication médicale mais bien une demande pour « convenances personnelles ». Les Etats généraux du CCNE sur ce sujet sont prévus pour le début de l’année 2014.

Il  apparait  actuellement  que le « droit à l’enfant » prime trop souvent sur le « droit de l’enfant ». Il est donc indispensable de réfléchir à toutes les conséquences d’une décision qui concerne en priorité les enfants qui en seront issus.